L’Homme est ce qu’il cache
André Malraux –
Hommage à Jean Moreau
Tout d’abord, nous voudrions rendre hommage à Jean Moreau, un ami, un Frère, un camarade pour beaucoup de militants laïques qui ont combattu à ses coté. Il a été rappelé à l’Orient Éternel le 7 avril 2023. Sa disparition nous peine et nous attriste. C’était un homme attachant.
Il était investi pleinement dans sa tâche de responsable de la FNDDEN, il a animé aussi très longtemps la revue La Révolution prolétarienne et était un grand ami de l’Afrique. A sa famille, ses proches, ses amis, ses camarades, ses Frères et Sœurs, nous apportons notre salut fraternel et respectueux.
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Nous avons mis en exergue cette phrase d’André Malraux pour inciter à la réflexion. Tout gouvernement dit toujours une chose et en fait très souvent une autre une autre. Ainsi Emmanuel Macron parle de redonner sa place à l’École en parlant d‘emploi, de mixité sociale, de rapprochement avec les territoires. En fait, toute son orientation et ses actes visent à la démanteler et à la livrer aux appétits d’Élus locaux, du Patronat et de l’Église.
Comme l’analyse très bien le communiqué de la Libre Pensée, publiée dans ce numéro du Délégué laïque, c’est l’Institution scolaire qui est menacée au cœur et c’est sa propre existence qui est aujourd’hui menacée. C’est donc l’Institution scolaire elle-même qu’il nous faut défendre aujourd’hui.
Il nous faut revenir sur la place qu’occupe l’École laïque dans la République exprimée dans la Constitution faisant de « l’Enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés, un devoir de l’État ». Si le principe n’a pas été abrogé, par contre plusieurs mesures ces dernières années ont engagé un processus de désengagement de l’État notamment avec les lois de décentralisation (loi Nôtre) ayant ouvert la voie pour aller vers « l‘autonomie des Établissements scolaires ».
Il cite une dizaine de documents officiels (Rapport sur l’autonomie des collèges, Cour des Comptes, IGEN, IGAENR, IGESR, Ouvrage de Monique Canto-Sperber, Forum de l’AMR, Projets « École du futur », CNR dédiés à l’éducation, Loi Rilhac, Évaluations des Écoles…). Tous préconisent une «école territoriale » pilotée par les Élus politiques territoriaux, des associations de droit privé, des « partenaires de l’école »… sur la base « d’un projet éducatif d’établissement ou de territoire ».
La loi Brisson, adoptée au Sénat le 11 février, entend imposer une loi dans ce sens à l’Assemblée Nationale dans de brefs délais.
Les DDEN ont des droits en défense de l’École laïque. N’ont-ils pas le devoir d’aider au rassemblement de tous en défense de l’Éducation Nationale menacée de démantèlement, voire de privatisation ?
L’égalité des droits des élèves est en cause mais aussi, avec des recrutements locaux, le statut des personnels enseignants.
La mise en place des conseils d’administration dans les collèges et les lycées posaient déjà ces questions. Mais la résistance a été forte, le Chef d’établissement comme le Directeur d’école sont toujours nommés par l’Éducation Nationale, les programmes scolaires restent encore nationaux, ainsi que les examens et diplômes délivrés par l’Éducation Nationale.
L’autonomie des établissements ouvriraient la possibilité que des Élus politiques, des associations de droit privé, des parents montent au créneau pour diriger l’École selon leurs options privées. On serait face à des tentatives d’entrisme de toute sorte dans les écoles publiques.
Si on permettait aux écoles de faire ce qu’elles veulent en toute autonomie, ce serait un grave danger car il faudrait laisser les parents choisir l’école de leurs enfants en fonction de son projet. C’est le modèle de concurrence du privé. La carte scolaire sauterait et la logique serait la nomination des enseignants par le Conseil autonome.
La loi Rilhac ne va-telle pas dans cette direction ? Les syndicats et la FCPE mesurent-ils les enjeux ?
Remarques identiques à propos des « évaluations d’écoles » et du regroupement sur le même plan de l’école maternelle dans « la petite enfance » comprenant des garderies de droit privé.
L’expérience de Marseille et ses 59 écoles expérimentales est à suivre. Actuellement des fonds publics ont été octroyés aux écoles pour leur rénovation mais, pour le moment, pas d’engagement des écoles dans la voie d’une complète autonomie. Il faudra suivre attentivement aussi ce que va faire le Ministère avec les évaluations d’écoles réalisées malgré l’opposition des syndicats.
L’éclatement de l’Éducation Nationale proposé exigera une loi et des décrets d’application. Nous serons vigilants et nous nous battrons pied à pied contre.
Nous publions aussi une note de lecture sur un ouvrage très intéressant qui paraîtra bientôt dans la Raison, mensuel de la Libre Pensée. Certains avancent que la « territorialisation de l’École » est nécessaire pour rapprocher l’Institution scolaire des « territoires ». Cet ouvrage montre que cela avait été fait dès l’origine. Ce n’est donc qu’une prétexte mensonger de plus qui cache un autre projet bien réactionnaire.
Comme annoncé dans ce numéro, un prochain numéro du Délégué laïque sera bientôt publié pour approfondir la question de cette « territorialisation» de l’École.
Paul Feldmann
version en ligne : Le Délégué laïque n°13
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