La question nous est souvent posée. Depuis plus d’un siècle, les DDEN, « fonctionnaires bénévoles » existent officiellement. Leur statut a évidemment évolué, 2025 n’est pas 1886 ! Pour avoir réponse à cette question, on doit donc se référer à la dernière version du Code de l’Éducation où tout est consigné : leur recrutement, leurs missions, leurs droits, leurs interlocuteurs assortis de recommandations délimitant leurs activités.
C’est l’aspect officiel de leur « fonction administrative » leur octroyant une carte officielle de DDEN après l’acceptation de leurs candidatures par le Conseil Départemental de l’Éducation Nationale (CDEN). Cette « fonction administrative » s’incarne par leur participation de droit au Conseil d’École où ils sont nommés. Ils sont aussi membres de droit des « délégations de circonscriptions » qui doivent élire un Président et un vice-Président. Ensemble, ils constituent une « Délégation départementale » désignant elle-même, un Président et un vice-Président départemental des DDEN.
Les DDEN ont également la possibilité d’adhérer à une Association départementale (l’Union Départementale des DDEN) pour échanger et agir librement en faveur de l’École laïque. C’est l’aspect « associatif » de l’organisation des DDEN basée sur la loi de 1901. Cette « Union départementale » élit des responsables (Président, adjoint, secrétaire, trésorier…) en Congrès annuel des adhérents. Les Unions départementales souveraines adhèrent ou non à une Fédération Nationale qui, selon ses statuts historiques, doit respecter la souveraineté de chaque Union Départementale.
Très utiles pour faire valoir les seuls intérêts de l’École publique et laïque et des élèves que leurs parents lui ont confiés, les DDEN ont historiquement montré une indiscutable efficacité pour obtenir des autorités concernées qu’elles tiennent comptes de leurs remarques et leurs demandes pour assurer le bien-être des élèves dans l’École de la République.
Pour les DDEN, le respect des droits des élèves et de leur famille d’avoir les meilleures conditions de vie scolaire est le moteur de leurs missions et les amènent à travailler main dans la main avec les personnels des écoles où ils exercent leurs missions et avec les amis de l’École laïque et leurs Associations.
Malheureusement, force est de constater les situations de plus en plus difficiles rencontrées par les écoles publiques bien que l’Éducation nationale reste encore le premier Budget de l’État (64,4 milliards d’Euros en 2024). Les établissements scolaires de la maternelle à l’Université souffrent depuis plusieurs années de « réformes successives » qui n’ont pas amélioré les conditions d’enseignement et les résultats scolaires.
Depuis l’avènement de la 5ème République, une avalanche de mesures a non seulement détourné des milliards de fonds publics vers les écoles privées, confessionnelles à plus de 90%, mais elles ont également commencé à désengager l’État dans sa responsabilité d’une Éducation nationale, gratuite, laïque disposant, partout, des moyens nécessaires d’assurer l’égalité de tous les élèves devant l’instruction publique. Le démantèlement de l’Éducation nationale, prôné et engagé depuis plusieurs années, a produit ses effets désastreux pour la scolarité des jeunes générations.
Les DDEN en sont les témoins les plus proches, aux côtés des personnels des écoles et des parents d’élèves. Leur mission n’en a que plus d’importance.
Il suffit de lire les rapports qu’ils rédigent sur l’état des écoles qu’ils suivent pour s’en convaincre : présence d’amiante dans les murs, toitures, sols… traces d’humidité, états des toilettes, fenêtres en mauvais état, avec parfois du scotch pour tenir les vitres fêlées, tapis de sol pourris par l’humidité et la crasse, chauffage défaillant, peintures écaillées, cour de récréation mal entretenues, équipements scolaires usagés, etc… Les DDEN n’inventent rien, la plupart de ces insuffisances, manquements et dégradations sont souvent bien relevés et signalés dans les comptes-rendus écrits des Conseils d’école qui doivent être obligatoirement affichés à la porte des écoles, mais auxquels les autorités de l’Éducation Nationale restent souvent silencieuses alors qu’elles les reçoivent.
C’est une des missions importantes des DDEN que de faire en sorte que toutes les institutions concernées par l’état des écoles publiques soient non seulement saisies, mais encore réactives à ces situations inacceptables qui donnent de nos écoles un visage défiguré, voire scandaleux.
Si les DDEN n’ont pas pour mission de s’occuper des questions pédagogiques, par contre ils ont le devoir que toutes ces insuffisances et abandons des droits des élèves, des personnels et des familles fidèles à l’École laïque soient respectées. N’est-ce pas le premier acte consubstantiel avec l’Éducation des jeunes générations et un devoir de l’État et de ses institutions d’en assumer la responsabilité pour garantir l’égalité des droits de tous ?
Comment la population fidèle à l’École de la République et les collectivités territoriales aux responsabilités importantes en matière scolaire, pourraient tolérer que l’État puise dans les fonds publics, dont l’Éducation Nationale est la principale composante, les milliards pour alimenter un budget de guerre, au détriment des constructions, réhabilitations, rénovations, entretiens, équipements dont les écoles ont un besoin urgent ?
Que resterait-il aux enfants et aux personnels qui vivent tous les jours ces situations de mépris pour les écoles publiques ?
Alors, les DDEN ? Ils ont le pouvoir de signaler aux autorités territoriales, aux autorités de l’Éducation Nationale, jusqu’au Préfet si nécessaire, les atteintes à l’hygiène et à la sécurité, les défections les plus graves, les atteintes à la vie et à la santé des écoliers et des adultes qui s’en occupent. S’ils ne sont pas entendus, ils peuvent voir concrètement, avec les parents d’élèves, les partenaires enseignants, ATSEM, AESH …comment faire pour que l’école soit décente et conforme au bien-être des enfants du peuple.
Les DDEN, tous les trimestres, participent aux Conseils d’école. Le compte-rendu de ces conseils, qui doit être affiché sur le panneau de l’école, devient alors, répétons-le, une arme efficace et sérieuse entre les mains des amis de l’École laïque.
TEMOIGNAGES
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Un « comité de suivi des écoles publiques » s’est constitué à Sevran (93), la ville la plus pauvre du 93. Initié par les démarches des 7 DDEN de la ville il se composera des représentants des parents et personnels de 27 écoles publiques sur 28 avec le soutien des syndicats d’enseignants. Un cahier du « Comité de suivi des écoles » composé pour l’essentiel d’extraits très précis des comptes-rendus des Conseils d’École, est édité. Une délégation représentative sera reçue par le Préfet de Seine-Saint-Denis. Feuilletant ces cahiers, il s’exclama spontanément : « Mais ce sont de véritables cahiers de doléances ! ». Il demande à l’Inspecteur de la circonscription scolaire présent s’il avait lu ces documents. Réponse spontanée : « Si vous croyez que je n’ai que cela à faire ! ». Le Maire lui en avait beaucoup à faire (voir lettre ci-dessous) ainsi que la quasi-totalité du Conseil Municipal. L’État débloquera les crédits qui permettront de réhabiliter la plupart des écoles de la ville.
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Dans un petit village sur les bords de la Loire, une enfant de maternelle, handicapée, rampait par terre. Les enseignants devaient la porter toute la journée. Elle n’avait pas de lit adapté pour dormir, pas de chaise spéciale pour participer aux activités des autres élèves… Le DDEN saisit la Mairie, l’IEN, la MDPH…En un an la situation pour cette enfant change : le lit est arrivé le 1er, et quelques temps après la chaise, et plus tard un fauteuil sur mesure… Le DDEN est invité à chaque réunion de la MDPH qui suit l’évolution de cette enfant…
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Une Inspectrice de l’hygiène et la sécurité de l’Académie de Nantes, est sollicitée par le DDEN et le Conseil d’École. Elle demande que le sol d’une classe de maternelle où la pourriture détruisait le revêtement alors que des petits y dormaient sur un matelas posé sur le sol. Ce sera fait.
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Dans une autre école publique, sur le parking où les enfants sortaient et entraient à l’école, un grillage posé par la SNCF, il y a X années, complètement pourri et tordu, n’empêchait pas un ballon de tomber à quelques 10 à 15 mètres plus bas, sur la voie ferrée où le TVG passaient moultes fois par jour. Un an après, l’intervention de la DDEN et du Conseil d’école…la SNCF a tout sécurisé…
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12 enfants de 7 familles d’un village vont à l’école publique distante de plusieurs km. Un transport scolaire est nécessaire. Des arguments fallacieux sont donnés : le car ne « pourrait » pas tourner à un carrefour. Vérification faite, il est constaté qu’un autre car parvient très bien à tourner ! Les autorités reçoivent les photos…Bref, une issue positive est attendue. Dans ce même village, les enfants de l’école catholique, eux, ont droit à un car qui les dépose… à la porte de l’école.
Ces quelques exemples, parmi bien d’autres, ne montrent-ils pas que notre École laïque a besoin des DDEN, une composante du Mouvement laïque qui cherche à se rassembler face aux entreprises de démantèlement de l’Education Nationale ?
Denise et Michel Landron
DDEN dans le Maine et Loire
PS : Les lecteurs du Délégué Laïque constateront que cet article précisant la nature des missions des DDEN dans leurs écoles ne parle pas des positionnements de la Direction de la Fédération Nationale et de son Président actuel. Tout simplement parce que de positionnement il n’y en a plus. Le Président Khaldi, qui n’a jamais un mot sur la situation réelle et concrète des écoles, semble bien plus intéressé par les suppliques qu’il adresse au Ministère de l’Éducation Nationale pour obtenir… le financement de ses activités.