Editorial du Délégué laïque n°16

Les choses et les choix sont de plus en plus clairs

Le Délégué laïque a décidé de laisser un peu de temps afin que les choses s’éclaircissent au mieux pour que les DDEN puissent voir les événements se décanter pleinement, et qu’ils puissent se faire un jugement sur plusieurs points. Comme le disait Pierre Desproges, « il vaut mieux se taire parfois au risque de passer pour un imbécile, plutôt que de parler et ne laisser aucun doute sur le sujet. » Nous dédions cet aphorisme à toutes celles et à tous ceux qui ne se reconnaîtront pas dans le propos de l’humoriste et qui, par contre, vouent aux gémonies notre publication par ce qu’elle est une empêcheuse de bureaucratiser et de se renier tranquillement.

Nous allons aborder ces différents points qui s’éclairent d’un jour toujours nouveau dans cet Éditorial. Le Délégué laïque va donc reprendre sa parution régulière pour éclairer les Laïques, les DDEN et le Mouvement laïque dans son ensemble.

● Par « Mouvement laïque », nous entendons bien sûr toutes les associations, organisations, syndicats, enseignants notamment, qui sont restés fidèles au Serment de Vincennes qui déclarait :

« Nous faisons le serment solennel

  • De manifester en toutes circonstances et en tous lieux notre irréductible opposition à cette loi contraire à l’évolution historique de la Nation ;
  • De lutter sans trêve et sans défaillance jusqu’à son abrogation ;
  • Et d’obtenir que l’effort scolaire de la République soit uniquement réservé à l’École de la Nation, espoir de notre jeunesse. »

Un reniement confirmé

● Alors que la majorité des Associations laïques, qui ont rejoint le Collectif pour l’École publique laïque à l’initiative de la FSU, sont claires : « leurs actions visent à l’abrogation pure et simple de la loi Debré par l’élaboration d’un Plan de sortie du financement public de l’enseignement privé », la direction actuelle de la FNDDEN nous chante une autre chanson : celle d’une bonne application de la loi Debré, ce qui est une trahison éhontée du Serment de Vincennes.

Rappelons que ce Plan de sortie commence à être élaboré sérieusement dans ce cadre unitaire, notamment parce que la Libre Pensée en fait une proposition de rédaction avec 3 Propositions de loi pour sa mise en œuvre : https://www.fnlp.fr/2024/05/pour-en-finir-avec-le-financement-public-de-lenseignement-prive/

Abrogation de la loi Debré ou bonne application de la loi Debré, il faut choisir !

Oui aujourd’hui, tel est le choix qui se pose à tout le monde. On ne fera croire à personne qu’une bonne application d’une loi profondément antilaïque, mère de toutes les autres lois antilaïques permettrait en quoi que ce soit d’aller vers l’abrogation de la loi Debré. Réclamer une bonne application de la loi Debré, c’est la conforter comme légitime et non contester son illégitimité antilaïque.

Ce choix : Abrogation/Bonne application, c’est la résurgence d’un vieux clivage sous une autre forme : Laïcité institutionnelle ou Laïcité ouverte. Ce sont les mêmes protagonistes qui agissent pour nous vendre une marchandise avariée et antilaïque.

Ou il y a respect du principe de Séparation des Églises et de l’État par le refus de tout financement public de l’enseignement catholique et privé et pour en finir rapidement avec ce financement antilaïque ; ou en demandant une « bonne application de la loi Debré » on revendique et on soutient de fait cette violation du Principe de Séparation.

Si on est partisan de la « laïcité ouverte, plurielle, etc. », c’est que l’on considère que les religions font parties intégrantes de la Sphère publique et des Institutions de la République, et qu’elles ne sont plus une affaire privée qui ne concerne que les citoyens dans leur liberté de conscience.

C’est pourquoi « bonne application de la loi Debré » et « laïcité ouverte » sont le même reniement du combat laïque authentique, car c’est légitimer l’enseignement privé catholique comme faisant partie intégrante du Service public d’enseignement.

Ce reniement de l’actuelle direction de la FNDDEN l’amène à commettre des actes stupéfiants, comme refuser de signer la Déclaration commune des Association laïques regroupées au sein du Collectif pour l’École publique laïque à l’initiative de la FSU, qui dénonce ce qui s’est passé à Betharram : « Seule l’École publique laïque réalise partout, pour toute la jeunesse, les ambitions intellectuelles, civiques et sociales que le pays lui assigne avec un contrôle institutionnel fort et légitime. Le financement collectif du séparatisme moral, social et scolaire n’est pas acceptable. L’argent public doit aller à la seule École publique. La jeunesse, le pays en ont besoin. »

Comment une Association qui se réclame de la laïcité pourrait ne pas signer une telle Déclaration ? Ce reniement est tout simplement scandaleux et en dit bien long sur ce reniement de l’actuelle Direction de la FNDDEN.

● Ces errements n’ont aucune limite, on a vu la polémique imbécile et sectaire d’Eddy Khaldi contre la Secrétaire général du SE-UNSA, tordant à l’envie un propos, peut-être mal ajusté. Cette polémique, montée de toute pièce, fait que le CNAL ne peut plus se réunir et faire la moindre action, car il faut l’unanimité des 5 ex-organisations constitutives : UNSA (FEN), SE-UNSA (SNI), Ligue de l’Enseignement, FCPE et FNDDEN.

Toutes ces associations sont en désaccord profond et ne peuvent plus rien faire ensemble. Quel beau résultat ! Vraiment les amis qui restent aujourd’hui du CNAL (ce que nous ne sommes pas) doivent être consternés d’une telle attitude de la Direction actuelle de la FNDDEN, car elle est collectivement responsable de ces agissements. Le CNAL est quasiment au fond du gouffre et la FNDDEN va l’y rejoindre prochainement. Oui, vraiment, quel beau résultat !

Nous publions dans le Délégué laïque n° 16 les informations qui montrent que la bureaucratisation de la FNDDEN s’amplifie pour étouffer la voix d’opposants éventuels. Ce qui peut sauver les DDEN, c’est la souveraineté de ses Unions départementales, ce que la Direction de la FNDDEN voudrait bien interdire. Nous rappelons aussi pour mémoire l’intervention d’Eddy Khaldi auprès des autorités académiques du 93 pour faire radier les DDEN de Sevran qui ne lui plaisaient pas.
C’est parce que des DDEN, n’en déplaise, ont refusé cette voie destructrice et se sont adressés à la Fédération nationale de la Libre Pensée pour empêcher ce naufrage programmé et que celle-ci a refusé aussi de ne pas assister une « association laïque en danger ». Un lecteur sourcilleux pourrait croire qu’il s’agit d’un règlement de comptes personnel. C’est ce que voudrait distiller tel haut responsable. La question n’est pas là. La question est : la Fédération nationale des DDEN est-elle à la hauteur de son passé et des enjeux présents ? La réponse est à l’évidence : NON.
Alors en rétorsion la FNDDEN a assigné au Tribunal deux responsables nationaux de la Libre Pensée. Chacun pourra juger de la réalité de ce qu’elle a obtenu au procès, il y a vraiment loin de la coupe aux lèvres, même son avocat a bien du mal à l’expliquer clairement dans le dernier numéro du « Délégué DDEN ».

Comment ne pas partager le constat que fait la Libre Pensée (voir son communiqué qui analyse le jugement en détail) : « C’est la revanche posthume de Léon Trotsky et de toutes les victimes du stalinisme !
Alors pour cela, oui vraiment, merci Eddy Khaldi pour votre contribution judiciaire importante à l’anti-stalinisme ! C’est pourquoi, devant un tel résultat, la Libre Pensée ne fera pas appel de ce jugement.
Il est des condamnations qui sont des décorations ! »

Alors, chers DDEN, à bientôt pour de nouvelles aventures laïques !

Paul Feldman