« Projets pédagogiques », « projets éducatifs d’établissement », « autonomie », « école territoriale », «l’école du futur»…
Il fut un temps où régnait une belle clarté quant au sens des mots sur les questions scolaires.
On parlait de l‘école publique laïque comme l’école de tous, la même sur l’ensemble du territoire nationale, ses institutrices et instituteurs dont le statut de fonctionnaire d’État et leur formation à l’École Normale garantissaient un enseignement basé sur des programmes scolaires nationaux par année et par discipline avec l’emploi du temps hebdomadaire obligatoirement affiché dans la classe… Le Maire, quel qu’il soit, fournissait les locaux et les équipements. L’Inspecteur surveillait la bonne marche des classes et l’efficacité des maîtres dans les apprentissages. Les élèves apprenaient leurs leçons et faisaient leurs devoirs corrigés en classe par et avec le maître ou la maîtresse.
Les résultats étaient au rendez-vous. Les enfants de parents illettrés apprenaient à lire, écrire compter et les connaissances que les programmes définissaient par matière, âge et niveau scolaire. On avait le certificat d’études avec moins de 5 fautes dans une dictée d’une page. Le certif. ouvrait la voie aux études ou une formation professionnelle. Le pays était alphabétisé et les classes dites de perfectionnement prenaient en charge les élèves en difficulté et l’enseignement spécialisé les victimes d’un handicap…
Dans ce cadre solide, la liberté pédagogique des enseignants leur permettaient l’utilisation de méthodes adaptées à chaque classe, sa composition et ses moyens.
On avait en face l’école privée, non subventionnée, dirigée par le diocèse, mélangeant la religion et l’enseignement. C’était l’école dite libre, libre de ne pas aller à l’École laïque, l’école de tous, l’école de la République. La loi Debré en 1959 fut un premier tournant. L’État par contrat détourne des fonds publics pour financer le caractère propre des écoles privées. Victor Hugo se serait senti trahi, lui qui avait lancé du haut de l’Assemblée nationale : « l’État chez lui, l’Église chez elle ». L’embrouille commence quand l’État prétend que l’enseignement privé concourrait au service public !
Puis vinrent des « réformes » de l’enseignement public. Les ministères successifs, traumatisés par la grève générale de mai-juin 1968, s’évertuent à noyer le poisson des programmes scolaires dans la bouillabaisse des projets pédagogiques, puis éducatifs, tarte à la crème derrière laquelle ils cachent une volonté politique de la Vème République de démanteler l’Éducation Nationale.
A partir de la loi d’orientation de 1989, loi par loi, décret par décret, circulaire par circulaire, les différents Ministres de l’Éducation Nationale s’engagent dans la dénationalisation de l’enseignement public. Le « projet pédagogique » est utilisé pour donner un beau nom à une réalité bien plus sournoise. Le projet pédagogique, c’étaient les programmes scolaires. Peu à peu cela devient le « projet éducatif de l’établissement » qui prend le pas sur les programmes scolaires nationaux.
L’Enseignement public, sérieusement déstabilisé, est néanmoins resté sous l’autorité de l’Éducation Nationale qui le finance et paye ses personnels fonctionnaires d’État.
Les mois qui viennent diront si l’État s’engage ou non pour sonner le glas de l’Éducation Nationale comme le projet de loi Brisson, les rapports de la Cour des comptes, les Inspections générales et d’autres l’ont annoncé. Les amis de l’École laïque ont-ils un autre choix que de s’unir pour faire barrage tous ensemble au démantèlement de l’Éducation Nationale programmé pour les mois qui viennent ?
Michel Rolland