« MOBILISER LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE AUTOUR DU PROJET D’ÉTABLISSEMENT »

ou quand «la Cour des Comptes» se mêle de l’avenir de l’Éducation Nationale

Rapport public thématique janvier 2023

La synthèse de ce copieux document permet d’aller droit au but des objectifs recherchés.
La Cour des Comptes commence par stigmatiser les résultats insatisfaisants du système éducatif français «en dépit d’une dépense nationale supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE». Ce n’est donc pas pour elle une question de moyens si «le système scolaire français ne parvient pas à réduire les inégalités, il tend plutôt à les creuser».

Le coupable, pour la Cour des Comptes, serait «le caractère national de l’institution scolaire en France», «le manque d’évaluation des établissements» et «les ambiguïtés du rôle des chefs d’établissements». Elle dénonce en premier le fait que la moitié des établissements ne sont pas dotés «d’un projet d’établissement» défini avec les représentants de «la communauté éducative» pourtant prévu par le Code de l’Éducation. Bref, les établissements ne sont pas encore assez «autonomes»  !

Selon le rapport, les inégalités sont le résultat d’un «modèle de gestion rigide et centralisé» qui «laisse peu de place à l’appréciation des équipes éducatives». En particulier «en matière d’évaluation des enseignants», il s’agirait de «mieux rétribuer ceux des membres de l’équipe les plus investis».

Le chef d’établissement devrait devenir un vrai patron s’entourant d’une cour de fidèles dont les conditions de travail et de rémunérations dépendraient de lui  !

On remarquera que les Inspecteurs de l’Éducation nationale (IEN dans le primaire et IPR par discipline dans le secondaire) disparaissent.

«Les modalités d’allocation devraient prendre en compte les résultats des évaluations et les contraintes pesant sur le lieu d’implantation de l’Établissement et les coordonner avec les interventions des collectivités territoriales». Autrement dit des budgets au mérite dépendant d’élus politiques territoriaux  !

Les recommandations de la Cour des Comptes vont toutes dans ce sens  : obligation du projet d’établissement préalable à une démarche d’évaluation qui mettrait les établissements scolaires en concurrence les uns avec les autres, confier au chef d’établissement l’évaluation des enseignants, annualiser leurs obligations de service en quantifiant les missions individuelles et collectives, constituer une enveloppe pour valoriser l’investissement d’enseignants, réformer les modalités de recrutement des chefs d’établissement, allocation des moyens en fonction des projets particuliers…

En «favorisant la contractualisation entre établissements, académies et collectivités territoriales», la Cour des Comptes propose tout bonnement d’aligner l’organisation des établissements scolaires sur le fonctionnement des établissements privés sous contrat d’association qui, logiquement, ne peut aboutir qu’au libre choix par les parents de l’établissement scolaire de leurs enfants  et une contribution budgétaire accrue des collectivités territoriales et de fonds privés pour financer les projets… territoriaux!

On remarquera que la définition et la mise en œuvre de programmes scolaires nationaux par année et par discipline disparait totalement… L’établissement délivrerait des «diplômes-maisons»  dont la valeur dépendra… de la réputation de l’établissement.

En tout cas, cette route mène assurément à la casse du service public de l’État en transférant aux établissements scolaires autonomes et aux collectivités territoriales, l’organisation de l’enseignement qui, selon la Constitution, est encore un devoir de l’État à tous les niveaux.

N’est-il pas urgent de réagir tous ensemble  si on veut éviter ce naufrage provoqué de l’École de la République  ?