Plusieurs débats ont été organisés avec la participation d’Élus locaux, particulièrement les Maires, sur la marche vers l’École territoriale.
Rappelons que les premières lois de décentralisation (Acte 1 : 1982-83 et Acte 2 : 2003-2004) ont transféré les écoles primaires aux Communes, les collèges aux Départements et les lycées à la Région. Cette première vague de décentralisation limitait néanmoins les responsabilités locales aux bâtis scolaires, leurs constructions et leurs entretiens, la restauration scolaire, les activités périscolaires, les transports scolaires, les ATSEM…
Dans ce cadre législatif et réglementaire, les Maires, les Présidents des Conseils Départementaux et des Régions, sont membres de droit (ou un de leurs représentants) dans les Conseils d’école et les Conseils d’établissements présidés par le Directeur d’école ou le Chef d’établissement (collège et lycée). Ils ne participent cependant pas aux décisions relevant des questions pédagogiques (programmes, enseignements, recrutements, contrôles des enseignants…). La responsabilité de l’Enseignement public relève exclusivement des autorités de l’Éducation Nationale et les inspections pédagogiques et professionnelles sont sous la responsabilité des seuls Inspecteurs de l’Éducation Nationale (IEN dans le premier degré, IPR dans le second degré).
Avec la « territorialisation de l’École de la maternelle au baccalauréat », programmes, disciplines, horaires scolaires, « activités diverses sur temps scolaires » et même « périscolaires »… relèveraient directement du « projet éducatif territorial » élaborés avec les Élus politiques territoriaux, des représentants de parents d’élèves, d’Associations de droits privés dites «éducatives », d’entreprises du territoire, notamment, pour elles, afin d’aligner les écoles sur l’accès aux emplois disponibles…
Outre que chaque établissement deviendrait « autonome » dans ses choix dits « éducatifs », les conséquences seraient la mise sous tutelle des enseignants par des groupes de pression étrangers à l’Éducation Nationale, une source de conflits permanents, d’inégalités et de perte d’indépendance des établissements scolaires.
Les concurrences entre établissements selon leurs projets respectifs saborderaient l’Éducation Nationale en faisant sauter la carte scolaire.
Les Maires qui se sont exprimés sur le sujet ont, pour la plupart, mis en avant leurs difficultés à assumer tout ce que l’État leur a déjà transféré.
Un forum, intitulé « l’organisation de l’école : à la croisée des chemins », a été organisé par l’AMF (Association des Maires de France) le 22 novembre 2022 et présidé par 2 Maires en présence du Ministre N’Diaye. Une affluence record. Quelques Maires de grandes villes se voyaient certes au pilotage de l’enseignement public dans leur circonscription électorale. Mais la plupart des nombreux Maires présents ont exprimé leurs doléances à l’État pour qu’il cesse de faire retomber sur eux les charges qui leur ont été transférés sans les moyens suffisants pour les assurer correctement.
Ils ne revendiquent pas la direction de « l’École de demain » au moment où « le gouvernement ambitionne de faire émerger l’école du futur davantage ancrée dans le territoire. » En revanche, ils ont formulé leur demande d’un plus grand accompagnement de l’État et des aides plus adaptées sur les investissements numériques, l’équipement des salles de classe, la réhabilitation des bâtiments, la rénovation énergétique… La réponse du Ministre fut « notre école faisons-là ensemble ». Au rugby, on appelle cela «botter en touche ».
Plusieurs ont pris l’exemple de « l’école inclusive », du manque d’AESH, du manque d’attractivité des métiers de l’animation… «Trouver des accompagnants formés, pour deux heures par jour, quatre jours par semaine, et les garder, c’est loin d’être évident» explique l’un d’eux. Sans compter les ATSEM dont la Charte nationale attendue depuis 2019 n’est toujours pas signée par l’Éducation Nationale.
Si les Maires ne sont donc pas entrés dans le débat sur la » co-construction de l’école du futur « , soupçonnant sans doute une volonté de nouveaux transferts de l’État sur leur dos, ils ont constaté que les regroupements de communes sont utilisés pour organiser des fermetures de classes et d’écoles dans les petites et moyennes communes désertifiant des villages et imposant des trajets plus longs aux élèves.
Un «Plan maternelle» parait bien au BO en janvier 2023 en même temps que la circulaire sur «la maitrise des savoirs fondamentaux en élémentaire», mais aucune demande des Maires n’est retenue.
Un Communiqué de l’AMF du 31 mars 2023 exige en tout état de cause «l’accord du Maire avant toute fermeture de classe» et rappelle le principe : «pas de Commune sans école».
Dans les mois qui viennent, pour les enseignants et les parents, la discussion sur « l’Ecole territoriale » avec les élus, en particulier les Maires, sera essentielle.
Un Maire nous a dit : « Je ne suis ni compétent, ni mandaté pour diriger l’école. Cà c’est le travail du Ministère de l’Education nationale, du Recteur, du DASEN et de l’IEN. Je peux vous dire aussi que les parents ne verraient pas d’un bon œil que les écoles soient toutes différentes. Que se passera-t-il pour les familles qui doivent déménager ? Je vais au Conseil d’École pour entendre les personnels et les parents. Dans le compte-rendu écrit figure d’ailleurs ce que l’École demande à la Mairie dans les domaines de sa responsabilité. »
Le Délégué Laïque donnera la parole aux Maires qui s’exprimeront sur cette question décisive pour l’avenir des droits démocratiques dont l’École de la République, la même pour tous, est un pilier.