Beaucoup de choses sont dites et écrites sur la laïcité nécessitant une clarification pour définir exactement de quoi on parle.
La laïcité n’est ni une opinion ni une position sur la ou les religions.
Elle n’est pas non plus une manière de penser ou de se comporter.
La laïcité se résume en une phrase qui la définit très bien, sans adjectif ni commentaires de toutes sortes : Larousse (édition 1966) : « Système qui exclut les Églises de l’exercice du pouvoir politique ou administratif et en particulier de l’organisation de l’Enseignement ».
La laïcité c’est tout simplement la Séparation des Églises et de l’État. Elle peut être résumée par cette déclaration de Victor Hugo à l’Assemblée Nationale contre la loi Falloux : « l’Église chez elle, l’État chez lui ».
Les lois scolaires sous la 3ème République (lois Jules Ferry en 1881-1882) ont confié à l’État et ses institutions (en premier lieu le ministère de l’Instruction publique désormais l’Éducation Nationale) la totale responsabilité de l’enseignement public, gratuit et obligatoire.
La loi de 1905 va consacrer institutionnellement ce principe de la République : la laïcité institue la stricte neutralité de l’État et des institutions publiques de la République à l’égard de toutes les religions.
Logiquement la loi de 1905 (article 2) précise en conséquence que « la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte ».
La laïcité de l’École et de l’État ne conduit pas à interdire les écoles privées, confessionnelles ou non, qui doivent, comme toute société ou entreprise privée, respecter la législation en vigueur (en particulier en matière de protection de l’enfance).
Bien entendu, depuis 1905, les autorités de l’Église catholique ne renonceront jamais à remettre en cause la loi de 1905. Ce fut d’ailleurs parmi les premières mesures du régime de Pétain de rétablir (entre autres) le financement des écoles catholiques par les fonds publics. Mais la vague révolutionnaire qui a succédé à la fin de la guerre va non seulement abolir les mesures antilaïques du Régime de Pétain mais la Constitution de 1946 rappelle que « l’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ». Le Statut de la Fonction publique adoptée en 1948 va faire de l’organisation scolaire publique, avec son ministère de l’Éducation Nationale et ses personnels fonctionnaires d’État, une véritable institution de la République.
La 5ème République instituée en 1958 avec le coup d’État gaulliste n’aura de cesse de vouloir démanteler cette institution publique colossale (ce «mammouth » dénoncera le Ministre Allègre) en commençant par la loi Debré de 1959 faisant du financement des écoles privées (à 92% catholique) un devoir de l’État et des Collectivités publiques. 12 milliards en 2021 seront ainsi détournés du budget de l’Éducation Nationale pour financer les établissements privés au mépris de la loi de 1905. Le principe laïque « à École publique fonds publics, à écoles privées fonds privés » disparaît des références officielles y compris dans l’Éducation Nationale !
Une campagne sera engagée sans discontinuer (en particulier depuis 1981 avec le projet de loi Savary qui avortera) pour dénaturer de plus en plus le mot de laïcité pour la définir comme autre chose que l’interdiction faite à l’État et ses institutions de reconnaître et de financer les établissements scolaires confessionnels.
La laïcité est assimilée à « la liberté de conscience et de culte » alors qu’elle en est une des conditions en garantissant à tous la neutralité de l’enseignement public et des institutions de l’État.
Elle est aussi assimilée à « la liberté de pensée de tous » alors qu’elle garantit celle-ci en n’autorisant pas l’État à financer des institutions religieuses avec l’argent public produit de l‘impôt de tous les citoyens.
La laïcité « favoriserait l’égalité des droits » ? Quels droits ? Celui de l’État de financer les écoles confessionnelles ?
La laïcité interdirait « le port de signes religieux ostensibles au sein des établissements scolaires publics », ce qui s’impose évidemment aux fonctionnaires et aux élèves mais pas aux personnes de droit privé amenés à entrer occasionnellement dans une école publique, par exemple pour venir chercher un enfant en classe maternelle ou rencontrer un enseignant.
La laïcité serait le refus que « des élèves remettent en cause les contenus d’enseignement » ? Même si l’enseignant sort des programmes scolaires en portant atteinte à la liberté de conscience d’un élève et de sa famille ? Faut-il condamner Jules Ferry qui, dans sa fameuse lettre aux instituteurs leur demande de toujours se poser la question de savoir si ce qu’ils vont dire risque ou non de froisser la conscience de l’élève et de sa famille ?
Il est même désormais demandé aux enseignants par les autorités de l’Éducation Nationale (qui versent des milliards aux écoles confessionnelles) de dénoncer des propos ou des comportements d’élèves assimilés à des violations de la laïcité au nom « des valeurs de la République » qui ont autant de définitions qu’il y a de courants politiques ? Combien de Députés violent tous les ans la laïcité en votant des milliards de fonds publics aux écoles confessionnelles ? Serait-ce devenu une valeur de la République de violer la loi de 1905 instituant la laïcité de l’École et de l’État ? Comme donneurs de leçons aux élèves de l’École publique pour leur faire comprendre la laïcité, on pourrait faire mieux !
L’orientation des pouvoirs publics est désormais clairement affichée : mettre rapidement en place DES ÉCOLES TERRITORIALES dirigées par des Conseils rassemblant les élus politiques locaux, les associations diverses qualifiées d’Éducatives, les entreprises et bienfaiteurs de l’École se dotant de « projets éducatifs » de territoires et de recrutements locaux de personnels selon les influences et intérêts territoriaux les plus divers. N’est-ce pas la base sur laquelle fonctionne déjà les écoles privées sous contrat avec leur « caractère propre » ?
Démanteler l’École de la République une et indivisible au nom des « valeurs de la République » et de la laïcité, il fallait le faire.
Ne serait-il pas temps d’aller vers une Confédération des forces laïques de notre pays pour sauver l’École de la République menacée de démantèlement, rétablir la loi de 1905 et remettre en cause la loi Debré détournant les fonds publics pour financer les projets dits éducatifs des écoles confessionnelles sous contrat avec l’Etat ?
Michel Rolland