« Loi Rilhac 2 » : l’autonomie des écoles contre l’École de la République

Rappelons la « loi Rihlac 1 ». Elle a été adoptée le 21 décembre 2021sur proposition de Cécile Rilhac, députée Renaissance du Val-d’Oise.

La loi donne aux directeurs d’école une « autorité fonctionnelle » par délégation du DASEN qui définit la feuille de route à suivre. Ceci a permis par exemple « l’expérimentation » à Marseille : 58 écoles pour lesquelles les enseignants sont recrutés par une commission de deux IEN, le directeur et un enseignant de l’école.

Et pour boucler la boucle, la loi permet aux Conseils d’école de prendre des décisions et impose aux directeurs d’« entériner les décisions qui y sont prises et les mettre en œuvre ».
L’école et son directeur deviendrait ainsi les proies de toutes les pressions locales qu’elles soient politiques, associatives ou autres.

Cela n’a plus rien à voir avec l’École de la République.

Voici que la députée va maintenant jusqu’au bout de sa logique avec une nouvelle proposition de loi. Il s’agit de donner aux écoles un statut juridique en les transformant en « Établissement Public Local d’Enseignement Primaire » (EPLEP)

Dans l’exposé des motifs (que chacun peut consulter sur internet…), Cécile Rilhac donne d’emblée l’objet de sa proposition de loi : « (…) le conseil d’école ne dispose que d’un pouvoir décisionnaire extrêmement limité. En effet, son rôle se cantonne à donner des avis et à présenter des suggestions sur le fonctionnement et la vie de l’école ; ainsi qu’à adopter le règlement intérieur et le projet d’école. Ces deux derniers textes sont d’ailleurs étroitement encadrés par les normes nationales en la matière et soumis à la validation du seul chef de service direct de l’école primaire : l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale. »

Traduisons : les écoles ne sont pas assez autonomes !

La députée note aussi « une différenciation des moyens » des écoles et propose comme solution « Aussi, pour apporter une solution pérenne et globale, la présente proposition de loi entend donner un statut juridique aux écoles maternelles, élémentaires et primaires pour en faire des établissements publics locaux d’enseignement primaire. Ce statut permettrait de donner les moyens aux équipes pédagogiques, en concertation avec les acteurs locaux, de concrétiser les projets adaptés à leurs écoles »

En clair : les directeurs d’école vont partir à la chasse aux subventions !

Et Cécile Rilhac conclut son exposé des motifs par : « Le projet de ces établissements veillera ainsi à trouver un équilibre entre la liberté pédagogique de chaque enseignant, le projet éducatif territorial porté par la municipalité et les interactions, impératives, entre tous les acteurs. En réajustant le pouvoir de décision de chacun au sein du conseil d’école, qui devient administrateur de l’établissement public local d’enseignement primaire, la place de la municipalité se voit également réaffirmée. Tels sont donc les objets de cette proposition de loi. »

Elle le dit elle-même : municipalisation des écoles avec « tous les acteurs » qui décideront des projets éducatifs, c’est-à-dire, au bout du compte, de l’enseignement !

On pourrait donc s’attendre à ce que la FNDDEN s’insurge contre cette destruction de l’École de la République, qu’elle exige le retour à un Conseil d’école qui ne soit pas une instance « décisionnaire » qui puisse remettre en cause le caractère national de l’enseignement public !

Et bien non : le Président Eddy Khaldi, dans un argumentaire pour « défendre notre fonction », demande à rencontrer la députée pour discuter de l’article qui indique que « le Délégué départemental de l’Éducation nationale est membre de droit du Conseil d’école avec voix consultative » qu’il considère comme une « profonde remise en cause de notre fonction » considérée comme une « éventuelle exclusion des décisions collectives ».

Est-ce bien le sujet ?

Faut-il que le DDEN soit celui qui arbitre entre telle ou telle décision ? Tel ou tel projet pédagogique ? Faut-il qu’il se range d’un côté ou de l’autre des « acteurs locaux » ? Pour le maire ou contre le maire ? Pour les enseignants ou contre les enseignants ? Pour les parents d’élèves ou contre les parents d’élèves ?

Affirmer, comme le fait le Président Khaldi dans son document « Le caractère officiel de la fonction confère au DDEN un rôle opérationnel qui, par l’expression de sa voix délibérative, peut être déterminante dans les décisions du Conseil d’école » n’est-ce pas aller dans le sens voulu par la députée Rilhac ?

L’argumentaire du Président national poursuit : « Le DDEN est un fonctionnaire bénévole mandaté par l’État pour exercer une fonction officielle para-administrative dont les compétences sont inscrites dans le Code de l’Éducation »

Le code de l’Éducation parle de « bénévole », pas de « fonctionnaire bénévole », de « fonction officielle », pas de « fonction officielle para-administrative ».

Où veut en venir le Président Khaldi ? Au bout du compte l’indépendance absolue dont jouissent aujourd’hui les DDEN ne serait-elle pas remise en cause ? Un fonctionnaire a un supérieur hiérarchique, un DDEN aussi ?

Enfin notons, et ce n’est pas secondaire, que la majorité des syndicats d’enseignants du Premier degré considère que les propositions de madame Rilhac ne correspondent pas à leurs revendications (mis à part ceux que, curieusement, Cécile Rilhac cite nommément comme ses soutiens le SGEN-CFDT et le SE-UNSA).

La loi « Rilhac 1 » déjà votée et la proposition « Rilhac 2 » sont une machine de guerre contre l’École publique, laïque et républicaine. C’est la seule conclusion possible.