DOSSIER DL n°5 Déclaration CGT, FO, SUD, FSU du 93

Mesdames et messieurs les membres du CHSCTD,

Monsieur le Directeur Académique Adjoint,

Nous sommes réuni-es aujourd’hui dans le cadre d’un CHSCTD extraordinaire demandé par les organisations syndicales suite au suicide de notre collègue Christine Renon jusque-là directrice de l’école maternelle pantinoise Méhul.

L’affaire est grave. Le suicide s’est produit sur le lieu de service, à dessein, et notre collègue a pris soin d’envoyer à tou·tes ses collègues directeurs et directrices de la ville de Pantin une lettre, portant l’entête officielle de l’école, ce qui est pour nous révélateur de sa volonté de lier son geste dramatique à son travail. Cette lettre révélatrice est aujourd’hui postée sur les réseaux sociaux. Nous l’avons tous. L’émoi est énorme.

Cette collègue expérimentée sur son poste de direction a vu grandir des générations d’élèves, était personne ressource pour les enseignants, les élèves, les familles. L’interrogation et le désarroi sont d’autant plus forts que les collègues décrivent Christine Renon comme une personne dynamique et volontaire.

Nous tenons à le réaffirmer ici car c’est le sens que nous donnons à la dernière phrase de sa lettre qui dit : « je remercie l’institution de ne pas salir mon nom ». L’affaire est encore plus grave. L’interrogation plus forte.

Pour nous, représentants syndicaux délégués du personnel, pour tous les personnels, le responsable de ce drame, c’est l’organisation du le service qui engendre de la souffrance au travail.

Christine Renon a dénoncé dans sa lettre tout ce qui l’a amenée à cette décision sans retour possible, de façon claire et lucide pour éviter, comme à chaque fois que le suicide se lie intimement à la souffrance au travail, d’aller chercher quelque explication dans une fatalité économique ou sociale, dans une fragilité psychologique, dans la difficulté présumée à s’adapter aux évolutions car nous savons bien que les raisons véritables sont ailleurs, dans un management du travail qui cherche en permanence à astreindre l’activité humaine à des pressions de rentabilité, à des obsessions de normalisation, parfois même à d’inutiles tracasseries. Et tout cela dans l’ignorance de la réalité quotidienne de souffrance et d’incompréhension que ces impératifs produisent. Notre collègue Christine Renon exprimait dans sa lettre la perte de sens d’un métier où l’administration prône la bienveillance à l’égard des élèves, tout en créant des conditions de maltraitance des enfants et des personnels

Elle décrit le difficile exercice de son métier d’enseignante et de sa fonction de directrice. Par exemple, la question du CT de juin 2019 qui n’a pas accordé l’ouverture de classe sur l’école maternelle Méhul et qui l’a obligée à retravailler trois fois et seule sa structure d’école dans les 3 premières semaines de la rentrée.

Elle y explique l’impossibilité de faire face, au quotidien, à l’ensemble de ses responsabilités malgré son profond attachement à sa mission, ses élèves et leurs familles comme à ses collègues. Sa lettre explique comment cette impossibilité de faire face a conduit à son épuisement puis à l’irréparable pour mettre un terme à sa souffrance devenue insupportable.

Par ailleurs, cette lettre expose des situations de travail partagées où tous les collègues du département et d’ailleurs en France se reconnaissent ! Pour preuve, plus de 200 écoles fermées dans notre département, des milliers d’enseignants grévistes dans le premier et le second degré en France !

La plupart sont là présents car ils attendent beaucoup de l’institution, de leur employeur et de ses représentants. Et ils attendent en bas le retour de ce CHS départemental. Ils attendent des réponses pour que « cela s’arrête comme le disent bien des motions d’écoles et d’établissements ! »

Ni nous ni les collègues ne pourront nous contenter d’éléments de langage.

Nous irons droit au but : reprenons point par point les éléments de la lettre, faisons enregistrer les difficultés qui sont celles de la collègue décédée qui définissent des risques psycho-sociaux que des centaines d’enseignants ressentent. L’alerte est donnée. Nous ne voulons pas que d’autres situations aussi dramatiques se produisent à nouveau.

Quelles réponses apportez-vous à :

  • L’installation d’un IEN à long terme à Pantin afin que puisse se construire une stabilité dans la circonscription

  • Aux rythmes scolaires à Pantin qui épuisent et font fuir les collègues, alors que légalement une enquête devrait avoir lieu lorsqu’il y a une modification de l’organisation du service.

Quelle réponse apportez-vous à :

  • La décharge complète de tous les directeurs d’école du département.

  • La charge de travail d’une seule journée d’école pour un directeur/une directrice d’école.

  • La question du respect de la souveraineté du conseil des maîtres et de ses décisions.

  • Au manque de soutien et de protection par la hiérarchie face aux menaces, agressions, plaintes, en application de l’article 11 de la loi 83-634 sur la protection fonctionnelle du 13 juillet 1983, comme l’a réaffirmé ce matin le recteur dans sa lettre aux enseignants en ce jour d’obsèques.

  • Au manque de soutien et de moyens dans l’accompagnement des élèves en difficulté à commencer par la disparition des RASED.

  • L’isolement des collègues chargé·es de direction.

  • Les pressions et les injonctions hiérarchiques contradictoires incessantes, déconnectées des besoins du terrain.

  • Au contrôle pédagogique permanent, comme celui des évaluations imposées et non adaptées au terrain.

  • A la multiplication des tâches qui dénaturent notre métier d’enseignant·es, dans le primaire comme dans le secondaire.

  • A la question des BD et de leur gestion centralisée.

  • A la question des APC qui surchargent le travail des enseignant·es et ne respectent pas le rythme des enfants.

  • A la question des conditions d’entrée dans le métier et du manque de formation.

  • A la question du manque de moyens en éducation prioritaire.

  • Au manque de médecins de prévention, mais aussi des médecins et infirmiers scolaires.

  • Au « New public management » qui nous empêche de travailler dans des conditions décentes et qui pousse les personnels à bout.

Nos revendications découlent également de décisions ou de réformes ministérielles, outrepassant l’avis défavorable des organisations syndicales et sans consultation du CHSCTM. Celles-ci détruisent le service public d’éducation, aggravent les conditions de travail et augmentent les inquiétudes des collègues. L’école dite « de la confiance », la réforme de la fonction publique ou celle à venir des retraites sont délétères et nous les combattrons !

Précisons quand même que si la loi de 2003 portant sur les retraites n’avait pas été mise en place par le gouvernement de Fillon, Christine Renon aurait pu bénéficier d’un départ à la retraite depuis 3 ans.

En sortant d’ici, tout à l’heure, nous rendrons compte immédiatement, objectivement et entièrement, à tous les collègues qui nous attendent en bas, des décisions et des réponses qui auront été apportées ici même. Tous ressentent à travers la lettre de notre collègue le manque de soutien et ont un sentiment d’abandon de leur hiérarchie.

Trop souvent, en ces lieux, lors des séances du CHSCTd, nous avons eu des réponses vagues ou dilatoires aux questions, aux revendications de moyens supplémentaires ou aux souffrances de collègues que nous avons portées.

C’est à la hauteur des non-réponses qu’obtiennent les membres du CHSCTM : le manque d’organisation d’enquêtes CHSCTd après les accidents de services, la non-communication des chiffres de suicides, le refus très fréquent d’imputabilité du service etc.

Rendons ce CHSCT départemental utile et agissons tous à la hauteur de la gravité des faits qui nous réunissent maintenant.

Pour nous, enseignants et délégués, le suicide de Madame Renon est indéniablement lié aux conditions de travail. C’est pourquoi nous exigeons une enquête du CHSCTD.