Congrès de Rennes de la Fédération Nationale des DDEN : La laïcité, la défense de l’Ecole laïque et les DDEN ne sont pas morts !

Grâce à la tribune libre « le Délégué Laïque » une discussion vivante et salutaire a commencé entre les DDEN de France et de Navarre sur leurs missions et l’avenir de leur Fédération. Etre « à la croisée des chemins » n’est en effet pas confortable.

Entre la volonté du pouvoir politique de transformer la Fédération des DDEN en auxiliaire docile du ministre de « l’Education territoriale » et la mission des DDEN de défendre l’Ecole de la République, le fossé se creuse et les tensions s’aiguisent.

On pouvait donc légitimement s’interroger sur le chemin qu’emprunterait le Congrès de Rennes de la Fédération. Allait-il, comme le fait la Revue nationale officielle « Le Délégué de l’EN », escamoter les exigences de toujours des DDEN d’abrogation des lois anti-laïques, à commencer par la loi Debré, mère de toutes les autres ?

Allait-il soutenir l’appel du Président Khaldi à soutenir uniquement l’appel des 113 sur la révision de la loi de 1905 annoncée par le Président Macron et ses amis de la hiérarchie catholique contre le rassemblement de toutes les forces laïques, sans exclusive, pour le respect intégral de la loi de 1905 ?

Allait-il continuer le silence assourdissant sur la loi Blanquer de « territorialisation de l’Ecole publique », dont l’objectif est clairement un émiettement de l’Éducation Nationale au nom de « projets éducatifs » propres à chaque établissement, Commune et Territoire dénationalisant l’Enseignement public et contractualisant ses personnels fonctionnaires d’Etat ?

Allait-il se taire sur la mise en concurrence de l’école maternelle publique avec des structures d’accueil de la petite enfance privées et/ou municipalisées ?

Allait-il revendiquer des changements de missions des DDEN pour les transformer en collaborateurs des autorités académiques et Élus politiques territoriaux qui leur feraient perdre et leur indépendance et le respect des personnels et des parents d’élèves ?

Ces questions, nous sommes des centaines à nous les poser, calmement, sérieusement, sans chercher le vedettariat, mais en faisant attention tout de même de ne pas permettre à ceux qui font allégeance au pouvoir de nous exclure pour indiscipline de la pensée dans une chasse aux sorcières engagée contre des DDEN du Rhône, de Paris, de la Seine-Saint-Denis… avec la bienveillance du Président Khaldi (1).

Nous avons par conséquent lu avec beaucoup d’attention la résolution générale adoptée par le Congrès. Elle soulève des questions qui méritent de poursuivre la discussion entre nous, librement, dans le respect de tous.

C’est ainsi que le paragraphe revendiquant « le maintien de la semaine de 4 jours et demi » peut présenter l’inconvénient de nous isoler dans les Conseils d’Ecole où nous siégeons. Il est de surcroit source de confusions. En effet, ce n’est pas en soi la semaine de 4 jours et demi que l’immense majorité des enseignants, des parents (et d’Elus locaux) ont condamné. C’est la réforme dite « des rythmes scolaires » de MM Peillon et Hamon qui organisait le mélange des genres entre l’enseignement scolaire et les « activités post et périscolaires » préparant la mainmise des Élus locaux sur et dans l’Ecole publique et transformant les Directeurs d’école en agents de la Municipalité.

Cette réforme (plutôt d’ailleurs une contre-réforme) était « une porte d’entrée » vers « la territorialisation de l’Éducation Nationale ». Elle a échoué et c’est tant mieux. Bien plus important par contre est cette nouvelle « porte d’entrée » que le Ministre Blanquer cherche à ouvrir avec les « Projets Educatifs territoriaux », dont « les Cités Educatives » sont un cheval de Troie. La résolution n’en parle pas. Discutons-en.

La résolution générale a très bien vu la manne offerte aux écoles maternelles privées (à 95% catholiques) par le prétendu progrès que représenterait l’obligation scolaire à partir de 3 ans. Ne convient-il pas aussi de ne pas oublier la volonté de permettre le développement partout de structures d’accueil de la petite enfance de 3 à 6 ans contre l’École maternelle publique, gratuite et laïque, ce fleuron de l’Education Nationale enviée dans le monde entier ? Discutons-en, cela risque fort d’être une question majeure pour tous les DDEN, les personnels, les parents et les amis de l’Ecole de la République. (2)

On pourrait aussi discuter à l’envi de formules générales qui font l’unanimité, mais mériteraient une incarnation plus précise tant elles sont aisément récupérées à des fins hostiles à l’Enseignement public. C’est le cas par exemple de la référence « à l’accès à une culture commune partagée », au nom de laquelle des réactionnaires patentés voudraient imposer « la pensée unique » en s’attaquant à des droits et libertés notamment d’opinion, de pensée et de conscience. La discussion sur ces questions à caractère idéologique ne cessera jamais, mais ne devons-nous pas nous garder d’en faire des ferments de division pour une Fédération qui n’est pas une école de pensée ?

Mais chacun pourra constater, à la lecture sérieuse de la Résolution Générale adoptée par le Congrès, que le cœur de la Fédération bat toujours en faveur de l’École de la République et de la laïcité des institutions.

Elle prend clairement ses distances vis-à-vis de la loi Blanquer qui « ne répond pas à la définition de l’Ecole de la République émancipatrice, laïque et gratuite portée par les DDEN ». Elle est sous cette forme un mandat pour s’y opposer, et s’opposer à sa mise en œuvre, si l’Elysée décide de la maintenir.

Elle s’oppose en particulier «  à l’émiettement territorial et à l’individualisation du rapport à l’école, mesures qui, au nom de l’autonomie des établissements, menacent l’égalité devant le droit en éducation et l’unicité de notre système éducatif ». N’est-ce pas un mandat pour s’opposer à l’éclatement de l’Éducation Nationale en « Projets éducatifs territoriaux » ?

Elle « milite pour le rétablissement d’une véritable médecine scolaire » et « de RASED complets » ainsi que pour « des solutions pérennes pour les enfants qui ne peuvent pas être accueillis à l’école ». C’est essentiel quand on connait les dégâts épouvantables que provoquent des intégrations automatiques dans des classes ordinaires (même sans AVS) d’enfants privés des personnels qualifiés et des conditions adaptées correspondantes à la nature et au degré de leurs difficultés et/ou handicap.

Enfin, si la résolution générale demande « une vigilance accrue concernant les écoles hors contrats », elle n’oublie pas, « fidèle au Serment de Vincennes », de demander « l’abrogation des lois scolaires antilaïques de la loi Debré à la loi Carle ».

Le mandat est clairement de s’opposer au financement par les fonds publics des « écoles sous contrat d’Association ». Le mandat donné de « s’opposer à toute atteinte à la loi de 1905 » ne résonne-t-il pas dès lors, cette année, comme un appel au rassemblement de toutes les forces laïques contre sa révision sur le terrain législatif et/ou administratif ?

Ce positionnement du Congrès de Rennes 2019 intervient au moment où le pouvoir veut parachever l’œuvre antilaïque de la 5e République en cherchant à imposer que chaque établissement scolaire public se dote d’un « caractère propre » sous couvert du « projet éducatif territorial ». Ne serait-ce pas ouvrir un boulevard à la possibilité, pour les parents, de choisir l’établissement scolaire public pour leurs enfants en fonction de leurs projets éducatifs respectifs et au recrutement des enseignants par « chaque conseil d’établissement », à l’image des écoles privées ?

Dans ce cadre, il aurait, peut-être, été pertinent de rappeler que la base fondamentale de l’École publique, une et indivisible, réside dans le respect de programmes scolaires nationaux, les mêmes dans toutes les écoles de la République, justifiant le maintien de la collation des grades et des diplômes universitaires par l’État.

Peut-on en effet oublier les exigences de plus en plus fortes de la puissance patronale de casser la valeur nationale des diplômes et des qualifications professionnelles, délivrés par la seule Éducation Nationale, au profit de formations locales, dont la valeur serait variable d‘un établissement à l’autre, d’un quartier à l’autre, d’une Commune à l’autre ouvrant la voie à toutes les surexploitations de la main d’œuvre, en particulier des jeunes ?

Ces remarques font partie du libre débat au sein de la Fédération Nationale des DDEN. Nous n’avons aucune crainte à avoir d’en discuter librement.

En tout cas, la Résolution Générale du Congrès de Rennes démontre que, malgré les difficultés et les contradictions qui secouent la Fédération Nationale (comme bien d’autres organisations), la laïcité de l’Ecole et de l’Etat, la défense de l’Ecole publique, laïque et gratuite de la République, l’égalité des droits de tous les élèves devant l’enseignement public sont, encore, l’ADN des DDEN.

Michel Bureau

(1) Le « Délégué laïque » est une tribune de discussion. Mis en cause nous étions en droit d’attendre une contribution du Président dans le débat ouvert. Ce dernier a préféré nous dénoncer dans son rapport d’activité à la Tribune du Congrès en calomniant la Libre Pensée qui n’est pas à l’initiative de la démarche.

A ce sujet, les 7 collègues DDEN de Sevran nous ont fait savoir qu’ils n’ont toujours reçu aucune réponse du Président Khaldi qui dispose pourtant de la totalité du dossier de cette affaire. Le Président n’aurait-il rien à dire quand Mr Minetto, le Président de l’Union Départementale de Seine-Saint-Denis, fait honte à toute la Fédération en demandant leur radiation au DASEN parce qu’ils défendent réellement, avec les enseignants, les parents et leurs organisations, des conditions de la vie scolaire digne de l’Ecole de la République  dans les écoles publiques de leur Commune? Faut-il comprendre qu’il serait derrière cette tentative d’épuration des DDEN qui font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font ?

N’hésitez donc pas à intervenir dans le débat. Vos contributions seront toutes éditées signées de vos noms ou pas si vous craignez des représailles.

(2) Le Ministre présente ainsi juste avant les congés d’été, 2 projets de Décrets au CTM permettant de substituer des « jardins d’enfants » à l’École maternelle publique. Les enfants accueillis dans ces structures payantes sont assimilés aux élèves des classes hors contrat des établissements privés et ces structures elles-mêmes sont assimilées à des établissements d’enseignement [sans enseignant].