L’affaire dite « de Vauxrenard », du nom de cette commune du Beaujolais de 325 habitants, éclate au grand jour à l’hiver 2018 lorsque le quotidien « Le Progrès » publie sur une page complète un article sous le titre : « Ils ne veulent plus de messe dans le bâtiment de l’école publique. »
« Ecole, mairie, bibliothèque municipale et … salle paroissiale : à Vauxrenard, un bâtiment peut avoir de multiples fonctions » révèle l’article. La catéchèse est dispensée dans le bâtiment, où l’on célèbre aussi la messe en raison des difficultés de chauffage de l’église paroissiale. Pour M. le maire Jean-Jacques Salanson, cette situation ne pose pas de problème : « La question de cette installation a été posée aux associations et aux parents d’élèves. Personne ne s’y est opposé. » L’association immobilière qui gère les biens de la paroisse verse un euro symbolique au titre d’un bail emphytéotique, un local lui étant dû à la suite du rachat du presbytère par une équipe municipale précédente en 1989.
L’Observatoire de la laïcité, par la voix de son rapporteur général Nicolas Cadène, remarque : « Seule une association cultuelle de loi 1905 peut bénéficier d’un bail emphytéotique. Ici, il semble qu’une association immobilière demande, en vertu d’un contrat, une salle à vocation cultuelle de façon pérenne. » Rien de clair en somme, loin de là ! dans un montage aussi fragile que complexe au vu de la législation, et choquant du point de vue de la laïcité.
De surcroît, poursuit M. Cadène : « Il semble y avoir un problème de respect de l’ordre public relatif à l’accès de cette salle. Un lieu cultuel doit être ouvert à tous. Si les fidèles doivent passer par la cour, des questions de sécurité se posent. De plus, il pourrait y avoir une attitude prosélyte à l’égard des écoliers. Et si c’était un autre culte, imaginez le bruit que cela aurait fait, une activité cultuelle dans une mairie ! J’ai l’impression qu’il y a une grande incompréhension de la loi. Une administration ne doit pas marquer d’appartenance à un culte. Or, c’est ce qu’elle fait, si des messes ont lieu dans le même bâtiment que la mairie. »
Pour la municipalité de Vauxrenard comme pour les autorités académiques : « Circulez, y’ a rien à voir. » On espère que personne ne troublera le consensus.
Pour M. Henri Humbert, président des DDEN du canton de Beaujeu, pour les DDEN du canton qui constatent la présence de prêtres en soutane, la pratique de messes pendant les heures de cours et le non-respect du plan Vigipirate, il en va autrement. La presse est saisie. Lors du congrès des DDEN du Rhône, un document insistant sur la solidarité des DDEN cantonaux est distribué. Il se termine par ces mots : « Vous avez, dans votre mallette, l’historique de ce cas qui nous pose problème, nous le soumettons à votre réflexion et nous attendons vos réactions. »
Le résultat ? Sûrement pas ce qui était attendu, à savoir une prise de position (quelle qu’elle soit) sur une affaire qui pose un problème de taille au vu des principes mis en cause, mais des représailles en règle contre M. Humbert convoqué au siège des DDEN, sans qu’il puisse se défendre. On est le 4 avril. Il lui est reproché un comportement « d’agitateur » et même de « cégétiste », alors qu’il aurait dû être un « médiateur ». Le document distribué au congrès des DDEN est devenu un « tract ». Mais cependant aucune de ces raisons n’est motivée par un document écrit. La radiation de M. Humbert comme DDEN lui est annoncée.
Lundi 25 juin 2018, elle est confirmée en CDEN sur décision de l’Inspection d’Académie du Rhône, en accord avec la direction des DDEN. Péniblement, après échange de divers courriers, on comprend que M. Humbert n’aurait pas privilégié le dialogue avec les différentes parties : municipalité (dialogue pourtant difficile), association paroissiale et autorités académiques. Il aurait agi de son propre chef et alerté la presse sans en référer au comité directeur des DDEN du Rhône. Or celui-ci est sur la même ligne que l’Inspection d’Académie, pour laquelle l’utilisation du local communal ne s’oppose pas au principe de laïcité.
Un courrier du vice-président des DDEN du canton contredit la version officielle : tout d’abord ce n’est pas « de son propre chef » que M. Humbert a agi, mais au nom de tous les délégués cantonaux. Autres précisions : « Nos DDEN chargés de cette école ont (…) constaté le passage de prêtres en soutane dans la cour de l’école, la pratique de messes pendant les heures de cours ainsi que le non-respect du plan Vigipirate. Nous pensions que notre mission était d’en informer notre « hiérarchie » et nous l’avons fait, d’abord auprès de notre président de l’Union départementale, puis de nos IEN successives. Enfin, nous avons jugé opportun de distribuer une lettre d’information, rédigée par le bureau et validée par la délégation, aux membres participants du congrès de Villefranche (…) »
En toute logique, ce n’est donc pas M. Humbert seul, mais l’ensemble du Bureau qui aurait dû être radié. La démarche était collective.
- Humbert déclare (Le Progrès, 26 juin 2018): « Je n’ai pas joué autre chose que mon rôle de lanceur d’alerte.» Il reste la seule victime dans cette affaire, alors que les activités de l’association paroissiale se poursuivent dans les locaux municipaux. Isolé ? L’ensemble des DDEN du canton, qui le connaissent bien, font bloc autour de lui : sur 20 DDEN, 16 lui envoient une offre de démission, accompagnée d’un mot de soutien.
Pour les DDEN du canton de Beaujeu, sûrs de la légitimité de leur démarche, la démission est-elle une solution ? La question reste ouverte.
Lucette Droz
image mise en avant parue dans le Progrès du samedi 3 février 2018