Résolution laïque du Congrès national de la Libre Pensée

Des atteintes toujours nombreuses à la laïcité
Défendre et promouvoir la laïcité, sans hypocrisie !

Cette année encore les atteintes à la laïcité n’ont pas cessé. Partout en France des édiles oublient la loi de 1905, et tentent d’imposer des symboles religieux sur l’espace public en contrevenant à l’article 28 : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit. » Les installations ou réinstallations de statues, crèches et autres se multiplient, le plus souvent avec l’appui de l’extrême-droite, de Marion Maréchal, Zemmour ou – pour un temps encore – De Villiers. À Béziers, l’apparenté Rassemblement National Ménard, a pris un arrêté pour entériner la présence annuelle d’une crèche dans la maison commune. Benoît Payan, Maire de Marseille, se fait coorganisateur avec le Cardinal Aveline des rencontres méditerranéennes entre des Évèques et des jeunes, et dans ce cadre se vante d’avoir invité le pape à venir. Ce qui mobilise des fonds publics. Toutes ces attaques contre la laïcité se font le plus souvent avec la complicité de l’État et de ses représentants.

Nous avons dénoncé l’hypocrisie de la loi « Séparatisme », présentée par Emmanuel Macron qui devait, selon lui, empêcher qu’« au nom d’une religion ou d’une appartenance, on [veuille] se séparer de la République, donc ne plus en respecter les lois et donc menacer la possibilité de vivre ensemble ». Jamais celle-ci n’est invoquée quand il s’agit du catholicisme, mais elle est systématiquement brandie contre le culte musulman. Au moment même où l’extrême-droite accentue ses références aux racines chrétiennes de la France, la Fédération nationale de la Libre Pensée rappelle que la loi de 1905 appelle l’État à ne reconnaître aucun culte.

Tout au contraire, le Président de la République et son gouvernement multiplient les signes d’un appel au sacré, jusqu’à sa récente visite au Mont-Saint-Michel, ou encore lorsque le prétendu Sacré-Cœur de Montmartre a été classé monument historique. La FNLP se prononce pour l’abrogation de la loi « séparatismes » et des concordats.

La mère de la bataille reste la défense de l’École publique. En 2023, au nom de la Loi Debré de 1959, 13 à 15 milliards d’euros sont versés à l’enseignement privé, à 97 % catholique. Avec Jean-Michel Blanquer les offensives se sont multipliées à tous les niveaux. À l’école la scolarisation et instruction obligatoires dès trois ans est un cadeau au privé à la charge des communes. Le tapis rouge est déroulé à l’enseignement supérieur catholique. Cette année, les attaques contre l’enseignement professionnel continuent à affaiblir l’école publique. Récemment, l’Accord entre l’État et l’Enseignement catholique du 17 mai 2023 renforce la présence de l’enseignement privé, en en faisant un élément de l’offre publique d’éducation, voire un modèle que le gouvernement veut imposer aux enseignants du public. Nous en appelons au respect des principes laïques et républicains : la seule école libre ouverte à , c’est l’École publique, et en conséquence fonds publics pour la seule École publique.

La Libre Pensée est attaquée

Face aux atteintes à la loi de 1905, la Libre Pensée a exercé tous les moyens du Droit pour faire reculer les tentatives de re-sacralisation de pans entiers de l’espace public. Force est de constater que notre action dérange, car nous ne comptons plus les articles, billets, tribunes qui mettent en cause directement la Fédération nationale de la Libre Pensée et ses militants et militantes. Nous sommes qualifiés de tous les noms : bouffeurs de curés, Francs-Maçons, islamo-gauchistes, la palme revient à Valeurs actuelles qui en un seul article réussit à nous qualifier d’« Extrémistes », « radicaux », «laïcards forcenés », « intégristes de la laïcité », « anti-catholiques », «laïcistes acharnés », « militants antichrétiens ». On pourrait en rire, mais chacun sait que les insultes ne sont jamais anodines. Alfred de Musset disait déjà dans Lorenzaccio : « Ceux qui mettent les mots sur leur enclume, et qui les tordent avec un marteau et une lime, ne réfléchissent pas toujours que ces mots représentent des pensées, et ces pensées, des actions. »

Déjà vandalisée dans le passé, notre librairie a récemment fait l’objet d’un rassemblement haineux, de la part d’un groupuscule d’extrême-droite qui n’a pas besoin de trouver ici de publicité. À cette occasion nous avons lancé un appel à la solidarité qui a remporté un large succès auprès des associations, personnalités, élus, syndicats, partis et Obédiences maçonniques. Nous savons cependant que certains désormais ne se solidarisent plus, lorsqu’il s’agit de la Libre Pensée ou de la Ligue de Droits de l’Homme, quand elles sont attaquées au plus haut sommet de l’État.

La confusion entre laïcité et sécularisation perdure

Lors du précédent congrès à Voiron, nous écrivions : « Prétendre à la «laïcité de la société » est ambigu : si l’on désigne le fait de la « sécularisation des institutions », alors toute la société est concernée ; si l’on voulait que la société civile soit soumise à une interdiction des croyances, alors la laïcité serait bafouée. L’article Premier de la loi de 1905 le proclame bien haut : la laïcité commence par la liberté de conscience et le libre exercice des cultes.»

Or loin de reculer, la confusion entre laïcité et sécularisation s’accroît. Là encore, nous ne sommes pas dupes ! Quand un Élu propose de substituer aux jours de congés liés traditionnellement à la religion chrétienne des jours de congés laïques, des voix hypocrites s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles appellent « wokisme », mais demandent avec instance aux Musulmans de pratiquer leur culte avec discrétion. Sur le fond, s’agissant des jours fériés d’origine religieuse, la loi de 1905 ne reconnaissant aucun culte, les a laïcisés de fait, quel que soit leur statut antérieur. C’est aussi le cas des noms des jours de la semaine ou des mois remontant à de vagues divinités antiques. En revanche, la Libre Pensée peut accueillir favorablement des jours fériés en plus commémorant des événements historiques ou pour des visées progressistes. Pas étonnant a contrario que le sénateur LR Stéphane Le Rudelier ait quant à lui déposé une proposition de loi pour inscrire dans la constitution que la France est « de tradition judéo-chrétienne ». Où s’arrêteront-ils ? Le philosophe Pierre-Henri Tavoillot qui dirige à la Sorbonne le Diplôme Universitaire « référent laïcité : gestion du fait religieux » se répand sur les plateaux pour affirmer que la laïcité suppose un devoir de discrétion, contrairement à l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme qui stipule que nul ne peut être inquiété pour ses opinions même en matière religieuse. Là encore nous devons, avec d’autres, comme la Vigie de la Laïcité en rappeler sans cesse les principes de la loi de 1905.

Une action résolue pour la liberté de penser

Ce tableau n’est cependant pas si noir. Nous l’avons signalé et nos ennemis s’en offusquent, la Libre Pensée continue de mener son action résolue pour la défense de la loi de 1905 et remporte d’importantes victoires aux tribunaux. De manière moins médiatique, notre refus des dispositions de la loi « Séparatisme » permet le plus souvent de faire reculer des maires prompts à exiger la signature des « contrats d’engagements républicains » (CER), mais ici le combat est rude.

En ce qui concerne l’école, la conception réactionnaire impulsée par J.M . Blanquer n’a pas été totalement abandonnée. Il ne faut pas relâcher la pression, et voir, là où cela est possible, comment la Libre Pensée peut partager avec les personnels d’éducation son analyse des questions laïques, notamment dans la lecture de la loi de 1905 et le refus de la confusion entre laïcité et sécularisation.