La chasse aux musulmans….

« Musulman par mon Père
Catholique par ma mère
Communiste par Grand-père
Anarchiste par mon fils…
Athée ô grâce à Dieu (bis) »
de Mouloudji, dans « autoportrait »

Quelques nuages dans le ciel bleu, sur la Loire…
Des milliers de pâquerettes se fermant, le soir…
Près du Moulin, le merle et sa nana sautillent
Dans l’herbe, infatigablement…point ne roupillent !
Des coquelicots jettent une tâche de rouge
Près du vieux puits, mais…rien ne frémit, rien ne bouge…
« Calme et volupté » comme aurait dit Baudelaire.
Et pourtant, mon esprit gronde et ne veut se taire.
Impossible de le raisonner, il rumine
Il tonitrue ! éructe ! pleure ! il fulmine !
Tout mon glorieux passé de professeur d’histoire
Me saute à la gorge et me revient en mémoire.
Dans les manuels il y a toujours tant d’oublis
Tant de non-dit, tant de mal-dit, de partis-pris
Tant de vilénies…on ne peut dire aux enfants
Tout ce dont sont coupables les gouvernements !
Au nom de Dieu, ou de Vichnou ou bien d’Allah !
Le plus souvent au nom de leurs coffres-forts ! Là
Où se cachent des dollars, l’or, l’argent, les yens
Ou je ne sais, quelques vieux bas de laine.
Tout me revient, déferle en folles cavalcades…
ça tombe de haut comme de froides cascades !

« Le massacres des premiers chrétiens
L’Extermination des Indiens
Celui des protestants de la saint Barthélémy.
Celui des fusillés de la commune de Paris
Celui des sud-africains
Exterminés par des protestants blancs et pensant-bien
L’horreur des camps nazis, et tous les juifs exterminés
L’horreur des Palestiniens, chassés de leur maison, tués,
Par des chefs d’État juifs qui font, à leur tour, la guerre !
Et tous ces enfants qui errent !
Et les bonnes bonnes-sœurs irlandaises
Assassinant les bébés sans père, à leur aise ; 
Les enterrant… peut-être vivants
Sous les murs, dans les souterrains du couvent !
Et les abbés, évêques, curés, sous leur soutane
Bien perturbés, agitant leur stérile membre d’âne
Devant les enfants terrorisés
A jamais perturbés !
Et tous ces Algériens torturés, tués par les soldats
Français qui auraient bien aimé ne pas avoir été enrôlés pour cela !
ET, toutes les jeunes femmes en Iran, si belles et si rebelles
Qui finissent au bout d’une ficelle !
Leurs frères, leurs amis qui les aiment
Continuent le combat ; la révolte, ils sèment !
Et nos amis, Jacques et Cécile
Depuis plus d’un an, enfermés, en péril !
Samuel Paty fut décapité.
Personne, de mourir ainsi, n’a mérité !
Barbarie infâme !
Insupportable !
Intolérable !

Professeur, c’est passionnant,
Mais, si la parole est aisée, il est difficile d’être enseignant !
Peut-on dire à ses élèves
En cours, de fermer les yeux et les lèvres
De se boucher les tympans
S’ils ne veulent pas voir, ou entendre, quelque chose de choquant ?
Les images parues dans « Charly Hebdo », le journal
Se moquant de Mahomet ? Qui peut trouver cela normal ? »

Peut-on dire cela à des adolescents ?
Eux qui ont, c’est l’âge, la haine à fleur de sang ?
L’Ecole de la République c’est le seul lieu
D’apprentissage des connaissances, et au mieux
Celui de la réflexion ? Elle permettra
A chacun de penser, pour dire, s’il croira 2
Ou pas, un jour, en un quelconque Être suprême. 3
De dire, s’il le veut, ce qu’il pense … lui-même !
Il a bien le temps de comprendre le fouillis
Le désordre fou et les embrouillaminis
Du monde des grands  si plein de contradictions !
Comment pourrait-il s’y retrouver ? oh ! non ! non !
L’Etat veut lui apprendre la « laïcité » ?
Lui qui vole des milliards, toutes les années
Pour les distribuer aux écoles catholiques ?
Est-ce cela « les valeurs de la République » ?

C’est à y perdre son latin !

Des pages et des pages pourraient être écrites.
D’ailleurs, ne le sont-elles pas déjà, écrites ?
Elles sont riches et de récits regorgent :
Des écrivains, politiques de toutes sortes,
Journalistes, reporters, parlent ! Ils se piquent
D’être des spécialistes de la République !
Et les « si » admirables valeurs qu’ils défendent
Tous les matins, au déjeuner, ils les pourfendent
Des heures plus tard, avec leurs amis, parlant.
Tiens ! Une dame passe avec un musulman
Et très élégant foulard discret, sur la tête.
Ils ne supportent pas, ils braillent et tempêtent.
« je te le dis : de la graine de djihadistes !
Pardi ! ce sont tous des graines de terroristes ! »
Mais…l’or des Princes-arabes, rois du pétrole ?
Mais… les clubs de foot bien payés par ces guignols ?
Ces musulmans -là, tout enrubannés d’or noir
Sont bel et bien reçus, flattés par le Pouvoir !
L’air est délétère et des odeurs trop malsaines
Polluent notre atmosphère, distillent la haine.
La chasse aux musulmans est un « jeu » à la mode
Comme il y a peu, celle contre les juifs. L’exode…
La mort, l’horreur des camps, les bateaux qui chavirent
Sont-ce des jeux pour les enfants qui aiment rire ?

Je divague ! Ma tête fourmille :
Des noms, des prénoms, des visages, des émotions me titillent …
Tant et tant !
II y en eut tant, dans le 93, à Sevran ! 4
J’en ai, dans ma tête, dans ma mémoire usée,
Une kyrielle que j’aime et que j’ai appréciée.

« Fatima, ma 1ère en dictée, morte heurtée, un soir, par un RER !
Rachid qui, chez moi, mangeait du porc en me disant : « hum ! il est bon ton poulet ! »
Zuina, maman fidèle du comité de suivi des 28 écoles publiques de Sevran
Houria depuis tant d’années AESH appréciée de tous…
Tous d’anciens élèves du collège Galois, si tant aimés !
Ahmed et Moucine, directeurs défendant avec ardeur, dans les cités ouvrières, l’Ecole Publique !
Saliha, la cuisinière d’une de ces écoles, qui m’attendait avec une tasse de café.
Ils défendirent Louisa, notre camarade députée algérienne, emprisonnée !
Amer, mon pote Amer, journaliste et poète qui dût choisir l’exil, pour rester en vie !
Et la douce, tendre et belle Farida, sa compagne, agent d’accueil de la ville de Sevran.
Lila, mon amie, agent d’accueil en collège et responsable syndicale-93 de talent !
Saïd, vaillant parent élu d’une école qui, en délégation chez le Préfet,
Avec le comité de suivi des écoles, défendit l’École publique, celle de tous les enfants.
Et Fatiha, maman d’un enfant handicapé. Elle le portait tous les jours sur son dos pour qu’il aille
A l’école. Son petit est mort. Jusqu’au bout elle s’est battue. Elle connaissait l’issue fatale. Aimante.
Et nos charmants voisins, et leurs enfants, les bras chargés de couscous, au moment du ramadan.
Et tant d’autres ! Qu’ils me pardonnent si je n’ai pu, tous, les nommer »

Où trouverais-je, ailleurs que dans ces populaires
Cités, les « valeurs de la République » ? Amère !
Je suis amère ! et je redoute, chaque jour
Les horreurs qui couvent et annoncent pour
Demain, et après-demain, des horreurs sans fin.
Et pourtant, même dans la pauvreté et la misère, dans le parfum
De ces plus de 100 populations d’origines diverses qui vivent dans les cités,
Il est là, et nulle part ailleurs, l’avenir de l’«Humanité » !
Il n’est pas dans la chasse aux musulmans
Ni dans la critique de leurs vêtements !
Il n’est pas dans la chasse à leurs Nanas
Vêtues ou non de l’abaya !
Pas non plus, dans la chasse aux enfants « jouant » dans une cour de récréation,
A Nice ou ailleurs et utilisant toutes les histoires qu’ils connaissent : La création
Du Monde, le Père Noël, Marie, Allah, Boudha, Jupiter
Et les flammes de l’enfer !
Ce ne sont que des enfants !

Zizou Landron, le Moulin Neuf, le 20 Juin 2023